Bâtir un mur ?

 » Pourquoi bâtissez-vous des murs ? Parce que vous avez peur des conséquences de vos propres gestes. 

archimédien du vendredi 15 février 2019

Cette semaine, le combat de Donald Trump pour financer la construction de son mur à la frontière mexicaine. Son entreprise est-elle légitime ? Efficace ? Quel sens a-t-elle ?

DE NOS AMIS

Bâtir un mur, chers amis, vous ne pourrez jamais parvenir à vos fins par ce genre de moyen là.  

Le monde est unifié et en perpétuelle recherche d’équilibre, c’est une fonction de la nature. Donc des déséquilibres apparaissent et un rééquilibrage se produit. Chercher à empêcher ce rééquilibrage, sans s’interroger sur les causes du déséquilibre et prendre sa responsabilité dans la création de ces causes, cela est une stratégie sans issue.

Tout mur bâti dans cet esprit sera immanquablement dépassé par le flux qu’il prétend contenir. Quand bien même il remplirait sa fonction un an, dix ans, mille ans, tôt ou tard ce qui est déséquilibré se rééquilibrera.

Votre époque fait face à d’importants flux migratoires, des populations entières se déplacent pour divers motifs de subsistance. Il faut bien percevoir que le déplacement en masse de populations entières ne se produit jamais pour de simples raisons de convenance ou de confort. Les humains sont pour la plupart peu aventuriers et cherchent à améliorer leur situation là où ils se trouvent. Il faut donc de forts déséquilibres pour produire de telles migrations.

La situation s’est produite à de nombreuses reprises dans l’histoire de l’humanité, et a donné lieu à la naissance et à la mort de civilisations tout entières. Mais ce qui existe évolue et rien ne permet de figer quelque périmètre fictif dans le marbre. La frontière d’un état, la définition d’une population, d’une nation, cela est le fruit de votre histoire, cela réside en votre regard, cela n’a pas de réalité en dehors de vos cultures et concepts. Donc cela est fluctuant, mouvant. Aucun peuple de cette planète ne pourra dans la durée se maintenir dans un état stable, il sera percuté et ensemencé et réinventé par des départs et des arrivées. Les humains sont comme l’eau de l’océan, ils circulent et forment un tout, aucune idée ne pourra contredire ce fait.

Maintenant, pourquoi bâtissez-vous des murs ? Parce que vous avez peur des conséquences de vos propres gestes. Lorsque le peuple américain, ou les peuples européens, ou le peuple israélien, entend placer des frontières indépassables à ses bordures, il cherche à s’isoler des conséquences de ses propres pensées et actions.

On ne peut se concevoir comme disposant d’une force à vocation planétaire – force physique, ou force culturelle, ou force morale – c’est à dire se concevoir comme émettant des pensées et des actes vers l’extérieur, et ne pas faire face à des pensées et des actes venant vers l’intérieur.

Les exemples dans l’histoire des précédents siècles où l’Europe, où les Amériques, se sont projetées vers l’extérieur sont légion. Le flux et le reflux sont le même mouvement. Il faut percevoir cela comme un fluide se déplaçant puis revenant naturellement chargé de cette expérience.

Par ailleurs, vous croyez êtres différents les uns des autres. A certaines époques vous avez investi beaucoup de réflexion pour démontrer la supériorité ou la différence. Mais cela est en surface. Les humains sont les humains. Les tensions qui vous habitent sont donc purement fictives, c’est à dire qu’elles se situent dans vos pensées, votre regard sur le monde et sur les autres, et aucunement dans les faits.

Vos regards sont si tordus que vous percevez comme une menace ou un risque ce que vous pourriez percevoir comme une merveilleuse opportunité. Ce qui vous sépare de cette opportunité et vous la fait transformer en menace est la dureté et la crispation de votre regard, de vos pensées, de vos conceptions.

Dès lors, vous parviendrez ici ou là à transformer effectivement en tensions ce qui aurait tout aussi bien pu contenir un avenir radieux.

Prendre la responsabilité des ses propres gestes, pour un peuple comme pour un individu, cela est impossible à éviter, la responsabilité s’imposera toujours à vous. On ne peut exporter des armes, ou prétendre étendre ses frontières, on ne peut planter son drapeau ici ou là en disant « ici c’est aussi chez moi », et ne pas assumer par la suite les immenses désordres produits. On ne peut non plus bâtir un mode de vie destructeur et porteur de déséquilibres tels qu’ils mettent en péril l’existence de nombreuses personnes, et ne pas en vivre les retours de bâton.

Cela, au fond, l’immense majorité des peuples le savent, certains se braquent et se cabrent, mais inexorablement, tous affronteront ces mouvements de rééquilibrage.

A titre individuel, reconnaître les mouvements de votre époque comme étant issus de vos propres mouvements, comme étant internes, comme étant produits à l’intérieur du corps d’un peuple, et non comme une agression ou un phénomène externe, cela vous permettra de vous détendre et de savoir saisir les opportunités plutôt que de résister et de vous blesser de vos propres mots et de vos propres gestes.

Aucun mur ne protège, il sépare ce qui n’est pas séparable, et tôt ou tard tombera.

Cela est une bonne chose, car « séparé » est une fiction, la fiction que votre siècle est en train de rendre obsolète.

Nous vous remercions,

Vos amis réunifiés.

MISE EN ACTION

De nombreuses personnes saluent le projet de Donald Trump de bâtir un mur, et un plus grand nombre s’en moque ou le désapprouve. 

Nous sommes tous pourtant occupés à bâtir des murs. Murs intérieurs, murs extérieurs. Nous sommes occupés à nous prémunir de tel ou tel phénomène perçu comme intrusif, comme une menace, ou un risque, et que nous voulons maintenir à distance.

Bâtir un mur contre les bactéries, car nous craignons de tomber malade ; bâtir un mur contre les problêmes d’argent qui pourraient nous menacer tôt ou tard ; bâtir un mur pour protéger un proche de multiples périls ; bâtir un mur entre nous et telle ou telle personne. 

Plus souvent encore, bâtir un mur entre soi et son rêve, à coup de pensées limitantes, invalidantes, de dévalorisation. Il est généralement plus facile de se persuader que c’est impossible, ou trop risqué, que de se jeter à l’eau.

Et vous, que tentez-vous de maintenir à l’extérieur ? 

Et si cette menace extérieure était un reflet de vous-même, reflet d’une peur, reflet d’une pensée ou d’un geste bien à vous ? 

Et si ce rêve n’était pas de l’autre côté d’un mur mais bel et bien à portée de votre main, et que vous refusiez de le voir ?

Y a-t-il un mur dans votre vie qui mériterait d’être démonté ? Une opportunité d’air frais, de circulation, de renouveau, de détente, qu’il ne tiendrait qu’à vous de saisir ?

Et si c’était maintenant ?