Prédateur de soi-même

 » Vous n’existez pas distinctement de ce que vous saisissez comme objet

archimédien du vendredi 1er mars 2019

Le 26 février, les habitants d’une ville de l’Ohio ont donné au lac Erié, aux Etats-Unis, un statut juridique qui permet théoriquement de poursuivre les pollueurs. Le lac Erié a désormais le droit légal « d’exister et de prospérer naturellement ». Cette intention rencontre cependant de nombreuses résistances et contestations juridiques, de la part notamment des agriculteurs et industriels pollueurs.

En 2017, la Nouvelle-Zélande a doté le fleuve Whanganui d’une personnalité juridique, obtenant le statut d’entité vivante. En Inde, le Gange et l’un de ses affluents, la Yamuna ont la même qualité. Les droits et les intérêts de ces cours d’eau pourront être défendus devant la justice.

La modernité conçoit l’homme comme « maître et possesseur de la nature », dans une vision cartésienne dominante actuellement. Mais la prise de conscience des dangers de la pollution entraine une évolution vers une vision plus proche de celle des peuples premiers, dans une conscience de l’interdépendance absolue du vivant.

DE NOS AMIS

Chers amis nous venons avec plaisir sur ce sujet qui est celui de la reconnexion de l’homme à lui-même. Vous n’êtes pas distincts de la planète comme vous vous l’êtes imaginé. Vos corps sont cette planète, littéralement. 

Et cette planète est vous, littéralement. 

Votre attitude actuelle de prédateurs de votre propre milieu de vie est comme un organisme vivant devenu schizophrène et qui grignoterait, consommerait et détruirait une partie de son propre organisme en le considérant étranger.

Certes les peuples traditionnellement ancrés dans un mode de vie naturel, plus conscients des rythmes et des échanges permanents avec la nature, vous ont depuis des siècles transmis ce message que vous ne commencez à écouter que depuis que votre destruction vous menace de manière tangible.

Donc nous célébrons ce mouvement d’intégrer dans votre droit la nature qui vous entoure et qui est vous, c’est une manière de la reconnaître comme faisant partie de ce que vous êtes et valorisez, et non comme un simple objet-ressource disponible à la prédation.

Dans le temps long de l’histoire, cette époque dite moderne restera célèbre pour son arrogance et son aveuglement. Vous-vous présentez votre maîtrise technique rationnelle comme un motif de fierté ce qui n’a pas toujours à être.

Maintenant, il n’est pas ici question de juger et culpabiliser, simplement de reconnaître un mouvement erroné en vous-mêmes et de rectifier l’attitude.

C’est bien d’une attitude intérieure qu’il s’agit. 

L’errance moderne est venue d’une réponse à la question Que suis-je ? La réponse traditionnelle faisant référence à un Dieu extérieur auquel soumettre vos vie ayant été repoussée par vos philosophes et vos scientifiques, vous en avez déduit que vous étiez de petits rois de votre propre matière, chacun prince de lui-même et autorisé à annexer autant de territoire possible qu’il le pourrait. Cette annexion prend la forme de la propriété privée des objets et du territoire, mais aussi des relations de subordination et d’argent entre humains.

En vérité vous êtes le produit de la nature, vous êtes chacun Dieu, vous êtes partie du tout. Votre existence ne procède pas de vous c’est vous qui procédez de votre existence. Et cette existence crée simultanément vous et chaque chose, si bien qu’aucune relation de propriété n’a le moindre fondement. Vous ne pouvez vous saisir de rien, ni de vous ni de quelque objet. 

Lorsque vous vous saisissez de la terre ou d’un objet, d’un arbre ou d’une pierre, d’un animal ou d’un autre humain, vous vous instituez dans un rôle, dans une autonomie, dans un pouvoir qui n’existe pas. Dit autrement, vous n’existez pas distinctement de ce que vous saisissez comme objet. Ou encore, ce dont vous vous saisissez est vous. La nature de cette rivière, de cette pierre, de cette montagne, de cet arbre, de cet animal, de cet humain est la même. Ils interagissent au sein du même. 

Donc un humain se saisissant de la nature pour prospérer se trompe sur sa propre nature.

Votre droit est tissé dans l’axe de vos philosophies et de votre conception de l’Homme, il inclut donc des misconceptions.

Mais il est aussi un outil, dont ceux parmi vous qui se réveillent le plus rapidement à leur propre vérité peuvent se saisir, pour affirmer leur vision et la propager en leur époque.

Nous vous encourageons, lorsque vous observez la nature, tout objet, à vous centrer et à chercher à ressentir votre propre nature, et celle de cet objet, puis à tenter en vous-même de comparer, en vue de percer à jour le secret sous-jacent. Ce secret est la profonde unité du vivant. Cet objet face à vous n’est pas « autre ».

Nous sommes heureux de partager avec vous cette vision qui nous est naturelle et qui le redeviendra progressivement pour votre humanité.

Vos amis en l’un.

MISE EN ACTION

Quelle conception ais-je de moi-même ? De ce que je suis ? Les sciences, la médecine, nous apportent une idée, un concept, une réponse externe à cette question, et nous nous envisageons communément comme une sorte de produit psychologique d’un corps physique. Nous sommes largement identifiés à notre corps.

Mais quelle réponse personnelle, intime, apportons-nous à cette question ? Il ne s’agit pas ici de fabriquer une réponse intellectuelle qui affronterait ou validerait la réponse externe apprise. Il est question de s’expérimenter directement en deça des idées et concepts.

Cela est important car la réponse de notre époque est porteuse d’un mal-être, d’une insuffisance, et qu’il nous revient individuellement de tenter de ressentir autre chose, de remplacer une idée de nous-même par une expérience de nous-même.

Ce que je nomme « je » des dizaines de fois par jour : Quel goût ça a ? Quelle texture ? D’où ça naît ? Que puis-je me dire de vrai à propos de ça ?

Le savoir extérieur – scientifique, philosophique, religieux, spirituel – peut seulement nous mettre sur la voie d’une expérience directe, intérieure, que nous seuls avons autorité et pouvoir d’incarner.

A cet instant, qu’est-ce qui lit ce texte ?